LE TUFFEAU A LANGEAISwww.amoureuxduvieuxlangeais.fr - 2016-2020L’Histoire des hommes est en grande partie conditionnée par la nature du sous-sol. Ce dernier détermine les qualités du sol donc la végétation spontanée ou générée par l’Homme. De ce sous-sol va dépendre également la nature, la forme, la décoration de l’habitat et des monuments et souvent aussi l’économie d’une région. La pierre de tuffeau, présente dans toute la vallée de la Loire et de ses affluents va par sa couleur, son aspect doux et lumineux, donner son identité culturelle au Val de Loire. La présence du tuffeau et son impact sur le paysage ont été des facteurs qui ont influé sur le classement du Val de Loire au Patrimoine Mondial. ORIGINE GEOLOGIQUE DES TUFFEAUXAPERCU DES EVENEMENTS GEOLOGIQUES QUI ONT MARQUE LA TOURAINENotre région a subi de nombreuses péripéties au cours des temps géologiques. La Touraine repose sur un sol cristallin hercynien (-400 à -245 millions d’années.) Entre -245 et -65 millions d’années la Touraine a subi de nombreuses transgressions et régressions marines. C’est pendant ces périodes de submersion que des sédiments importants se sont déposés. Lorsque la Loire a creusé son lit elle a entaillé ces roches. De part et d’autres du lit nous observons des formations de la fin de cette longue période que les géologues dénomment : Crétacé supérieur. LES TUFFEAUX LANGEAISIENSA Langeais, sur la rive droite de la Loire on observe des variétés de calcaires crayeux aux caractéristiques lithologiques et paléontologiques particulières qui datent du Turonien et du Sénonien (-90 à -60 millions d’années.) On donne à ces formations le nom général de TUFFEAU (représenté en vert clair et vert foncé sur la carte ci-dessous). On distingue le Tuffeau blanc du Turonien moyen et le Tuffeau jaune. Le Tuffeau blanc du Turonien moyenC’est un calcaire tendre, sableux, micacé et de couleur gris verdâtre à blanchâtre. Cette craie micacée est pauvre en fossiles. On y rencontre de rares ammonites, fossiles stratigraphiques courants qui disparaîtront brusquement à la fin du Crétacé, quelques inocérames (genre de bivalves marins) et dans les couches supérieures des oursins et des brachiopodes. Le Tuffeau jaune du Turonien supérieurAu cours de la formation de cette roche on accuse une diminution de la profondeur de la mer. Le sédiment calcaire qui se dépose se charge en sable quartzeux. Ce tuffeau est de couleur jaunâtre, grossier et poreux. Notons pour mémoire que c’est pendant cette période que les faluns de Touraine vont se former. On peut observer ce faciès à la limite de Langeais et de Saint Michel sur Loire à la faveur d’une faille appelée par les géologues « faille de Pont Boutard ». EXPLOITATION SOUTERRAINE DE LA PIERREDès l’époque gallo-romaine le tuffeau a été exploité en Touraine pour la construction des monuments. Cette activité a atteint son apogée entre le XIè et le début du XXè siècle. L’exploitation en carrières souterraines a été la technique d’extraction la plus couramment utilisée. Cette roche contient un grand pourcentage d’eau ce qui la rend facile à travailler dans son milieu naturel. Sa propriété essentielle est de durcir à l’air libre. TRAVAIL EN CARRIERESExtractionCe travail se faisait à la main et les outils n’ont pas changé au cours des âges. Le pic était utilisé pour démarrer les tranches dans le front de taille. Il permet également au carrier de dégrossir les blocs en carrières. A coups de pics le carrier attaque la paroi en faisant des saignées tout autour du bloc à extraire. Ce bloc était appelé « banc ». Celui-ci est détaché à l’aide de coins en bois très dur, trempés dans l’eau pendant plusieurs jours afin d’être bien imprégnés puis séchés. Le carrier introduit les coins secs dans la saignée. Ce sont les coups et les vibrations qui vont permettre de détacher le banc du reste du rocher. La dalle abattue avoisinait les 3 m de haut sur 2,5 m de large et 40 cm d’épaisseur. Elle pouvait peser jusqu’à 3 tonnes. Le front de taille recule au fur et à mesure que la roche est extraite et les galeries prennent naissance ou s’agrandissent. Une fois le banc à terre, il fallait découper les blocs de différentes dimensions en fonction de la demande. Front de taille du tuffeauDécoupe du bancIl était découpé à la scie en blocs plus petits. La pierre qui restait, encore irrégulière, était équarrie au « marteau tailleur ». Chaque tailleur possédait sa propre marque (chiffres et lettres) et marquait les pierres qu’il avait taillées. Il était payé à la tâche. Dans certaines caves on retrouve des traits sur la paroi rocheuse qui comptabilisent le nombre de blocs extraits. A la fin de toutes ces opérations le bloc faisait de 30 à 35 cm d’épaisseur. L’ensemble de ces travaux se faisait en carrière. Tout d’abord parce que la taille produit beaucoup de déchets : on ne transporte que la matière utile, le transport est cher. D’autre part, il faut tailler les blocs en atmosphère humide, avant que ceux-ci ne sèchent et que « le calcin », couche protectrice dure, ne se forme. Les blocs étaient sortis de la carrière à l’aide de chariots puis transportés en charrettes jusqu’aux ports. Là, chargés à fond de cale, ils étaient acheminés en gabarres au fil de la Loire et de ses affluents vers les sites de construction du Val. Une partie de ces opérations s’est mécanisée au XIXè siècle. Le pic a été remplacé par des « haveuses », les grues ont allégé la difficulté physique mais le travail du carrier reste un travail difficile, physique et dangereux. L’exploitation des carrières continue dans différents points de la Touraine et de l’Anjou (surtout pour la restauration des monuments anciens) mais a complètement disparu à Langeais à la fin du XIXè siècle. LES CONSTRUCTIONS EN TUFFEAU A LANGEAISLe tuffeau est la pierre qui donne son unité et sa luminosité au Val de Loire. LE DONJON DE FOULQUE NERRADe couleur blanche à légèrement ocrée, le tuffeau va servir (associé à d’autres matériaux : tuiles, silex) à la construction du donjon de Foulque Nerra. « Le faucon noir » a fait construire sur un éperon rocheux dominant la Loire un château dont il ne reste que le donjon. On prétend, à juste titre sans doute, que Langeais possède le plus ancien donjon carré de France. L’EGLISE SAINT LAURENTCette église romane bâtie en tuffeau est l’une des mieux conservées de Touraine. Ce sont les moines de l’abbaye de Beaulieu les Loches qui ont fondé ce prieuré au temps de Foulque Nerra c’est-à-dire vers 1040. Jusqu’à la Révolution le prieuré a aussi été le siège d’une paroisse. Vestiges du château de Foulque NerraEglise de Langeais au début du XXème siècle.L’EGLISE SAINT JEAN BAPTISTE DE LANGEAISUn premier édifice a sans doute été bâti peu après la fondation de la paroisse par Saint Martin au IVè siècle. Sur le côté sud de l’édifice, à la base, on remarque un mur construit « en petit appareil ». Ces pierres de tuffeau assez petites, très régulières, sont caractéristiques des constructions romaines. On retrouve bien-sûr le tuffeau dans l’édification du clocher-porche et de l’église bâtis aux XIè et XIIè siècles. Au XIXè siècle une restauration malheureuse a détruit les transepts et une partie de la nef de l’église. Heureusement abside et absidioles romanes ont été conservées. La corniche supérieure du chevet est soutenue par des modillons sculptés dans la pierre de tuffeau. LE CHATEAUC’est évidemment l’édifice majeur et emblématique de notre Ville entièrement construit en tuffeau blanc de la région. Côté rue, il nous offre une façade médiévale avec son pont-levis. On peut déjà remarquer un beau travail du tuffeau au niveau des mâchicoulis. Côté jardin nous allons trouver tout ce que l’art de la Renaissance a réalisé sur le plan architectural : grandes fenêtres à meneaux, pinacles qui surmontent les ouvertures de la toiture, dessus de portes ouvragés... Château de Langeais côté rueChâteau de Langeais côté jardinOn peut remarquer sur le mur d’enceinte des moellons de tuffeau jaune. Il est à noter la belle conservation de tous ces monuments anciens. Mais ne soyons pas chauvins !! Le tuffeau est aussi une pierre qui s’effrite, qui devient poreuse et gélive au fil du temps. Le bas des édifices notamment subit quelques dégradations. La Maison de Rabelais, face au chateau de Langeais, ornée de pilastresLES MAISONS DU XIXè SIECLELes rues, les places de la ville sont toutes bordées de maisons en tuffeau. Langeais a profité de l’essor économique du XIXè siècle et nous a laissé maisons et châteaux qui forcent l’admiration du visiteur. Les façades nous montrent le magnifique travail des sculpteurs sur tuffeau. Entourages et dessus de fenêtres, de portes, frises travaillées sous les toits sont de véritables chefs d’œuvre que l’on peut découvrir dans toute la Ville ancienne, groupée autour de son château. Une maison près du château de LangeaisQUE RESTE-T-IL DES CARRIERES ?La ville de Langeais est véritablement truffée de carrières désaffectées, d’ailleurs une « zone non aedificandi » s’étend entre la Ville basse, ancienne, et la Ville haute, nouvelle. L’HABITAT TROGLODYTIQUEL’Homme a utilisé très tôt les cavités naturelles. Ainsi l’homme de Néanderthal a vécu dans la grotte de la Roche Cotard située à Langeais. Cette grotte a été découverte fortuitement lors des travaux du chemin de fer de la ligne Tours-Nantes qui nécessitaient beaucoup de terre de remblais. Il est vraisemblable que d’autres grottes aient été habitées au cours des temps préhistoriques mais leurs entrées sont masquées par la terre apportée par les eaux de ruissellement. Les anciennes carrières forment des galeries souvent longues de plusieurs mètres voire dizaines de mètres et creusées sur plusieurs niveaux. Elles ont servi d’habitations depuis le Moyen Age. Cet habitat troglodytique domine la vallée de la Loire et de ses affluents et lui donne son originalité. Il est en partie à l’origine du classement de la Loire au patrimoine mondial. La grotte de la Roche Cotard à LangeaisEn arrivant à Langeais par le sud, l’est ou l’ouest vous serez séduits par la vue de notre coteau de tuffeau, percé de caves et d’habitations. Dans cet habitat la température est constante et voisine de 13°. En hiver une flambée dans la cheminée aménagée dans la roche suffit à maintenir une température agréable. Le conduit débouche sur le plateau. Bancs, éviers sont également taillés directement dans le tuffeau. Ces grottes servaient également à abriter les animaux : étables, poulaillers, clapiers bénéficiaient de ces endroits protecteurs. Après avoir été négligé pendant tout le XXè siècle, l’habitat troglodytique connaît un regain de faveur et est aménagé en habitat « moderne », en chambres d’hôtes ou en restaurant. LES CAVES A VINEn se promenant sur nos plateaux, couverts de vignes, il n’est pas rare de tomber nez à nez avec un trou d’environ 80 cm de diamètre. Ces « cheminées » débouchaient directement dans un pressoir creusé dans le tuffeau sous jacent. Dans notre région vinicole, les galeries d’exploitation de la pierre étaient et sont encore des lieux où le « grollot » se transforme en vin mais aussi où le vigneron entrepose les bouteilles pour les conserver et les faire vieillir. Si les habitations prennent peu à peu la place de la vigne, notre ville est toujours classée en AOC… Et de nos jours, dans ces caves, les langeaisiens gardent de bonnes bouteilles que l’on déguste sur place entre amis. Un certain nombre ont été transformées en salle de réception. Fins d’années, fêtes de famille, réception diverses se font dans « les caves » que l’on peut louer à défaut d’en posséder une... Une maison troglodytiqueLa cave troglodytique des vignerons de Langeais vers le milieu du XXè siècle LES CHAMPIGNONNIERESCes galeries ont servi aussi pour la culture du champignon de Paris et maintenant des pleurotes. Pas besoin de lumière pour cultiver les champignons ! Mais l’humidité élevée, la température constante de nos caves ainsi que la facilité de régulariser la circulation d’air en font des lieux propices à la myciculture. A Langeais, la culture du champignon de Paris se faisait dans des galeries qui faisaient plusieurs centaines de mètres. L’entrée se faisait en face de la gendarmerie et on ressortait rue Rabelais. Et ce n’était pas une galerie rectiligne… Des diverticules, des recoins sans nombre font qu ‘il est facile de s’égarer. Tous les ans, à Langeais, sous l’œil vigilant d’anciens champignonnistes, se déroule une marche des troglodytes. Même si les lampes à acétylène éclairent les galeries, mieux vaut suivre les conseils avisés des organisateurs. Ici, la culture s’est faite en meules : bandes régulières de fumier de cheval, ensemencées de mycélium et recouvertes de falun. Après chaque récolte on devait sortir la meule, nettoyer et désinfecter les galeries. Pour faciliter les opérations de manutention, on s’est orienté vers la culture en sacs plastiques, placés sur des tapis roulants. Ceci permettait une automatisation des différentes opérations : remplissage du sac avec le compost, brassage de celui-ci, acheminement des sacs dans les galeries et évacuation de ce dernier et enfin, cueillette à hauteur. La champignonnière est restée ouverte jusque dans les années 80. Corrélativement une usine de blanc de Champignon ou mycélium s’est installée sur la zone industrielle sud de la Ville en 1985. Le tuffeau à Langeais a joué un rôle économique important notamment aux XIXè et XXè siècles. Il nous reste une industrie, des caves, un habitat troglodytique développé, de beaux édifices en tuffeau et les châteaux. Cet ensemble attire chaque année plus de 120 000 visiteurs. Ce chiffre en constante progression montre l’attrait de nos concitoyens pour leur patrimoine culturel bâti. Les anciennes champignonnières de LANGEAISDétail des pilastres de la Maison de RabelaisLE CHATEAU DE LANGEAIS, un château de transition entre le Moyen Age et la RenaissanceA 25 km à l'ouest de Tours, le château deLangeais est l'un des plus intéressants duVal de Loire grâce au travail de son dernier propriétaire, M. Jacques Siegfried qui l’a légué à l'Institut de France en 1904. Il s'attacha notamment à redonner au château le décor d'une demeure du XVè siècle. Meubles, tapisseries, boiseries, tableaux, sculptures... tous ces objets représentent un ensemble tout à fait exceptionnel et restituent dans les moindres détails l'époque du XVè siècle A la fin du Xè siècle, le puissant comte d'Anjou, Foulque Nerra, fit construire le donjon, l'un des plus anciens de France, dont les ruines se dressent aujourd'hui dans le parc du château.Forteresse durant des siècles, le château de Langeais, tel qu'il se présente à nous, fut élevé par Louis XI entre 1465 et 1469. Construit rapidement et épargné par les remaniements, il présente de ce fait une grande homogénéité.De l'extérieur, c'est une forteresse féodale avec des hauts murs, des grosses tours rondes surmontées de toits en ardoises, chemin de ronde couvert à créneaux et mâchicoulis, pont-levis en état de marche...Moins austère, la façade intérieure duchâteau évoque quelque peu la Renaissance avec ses fenêtres à meneaux et ses lucarnes au gâble orné de crochets, ses portes d'entrée surmontées d'arcs en accolade...Intérieurement,les salles sont ornées de grandes cheminées, de tapisseries... Bien meublé, Langeais offre un aspect beaucoup plus vivant que la plupart des autres grands châteaux. On peut observer au pied du château des maisons moyenâgeuses qui nous montrent encore pilastres et fenêtres à meneaux et qui elles aussi ont subi les outrages du temps. Carte géologique de Langeais et de ses environs